Monday, January 15, 2007

Un message de mon frere Bernard...

Un tres beau texte de mon frere, que je publie ici avec plusieurs mois de retard - sorry Bernard!

Bonjour à tous ; point de récit fantastique cette fois-ci, pas de voyage, pas d’aventure. Mes dernières photos n’étant pas encore accessibles, j’ai dans ma musette un lot de consolation.
Voilà six mois maintenant que je fréquente une salle de gym et je voudrais vous livrer les réflexions que cela m’a amené à formuler. Pour ne pas trop vous accabler, je les synthétiserai en quatre questions : « pourquoi si cher ?», « quelle population ? », « pourquoi faire ? » et « métaphysique du tapis roulant ».
Pourquoi si cher ?
Le principe économique de la salle de gym est très bien expliqué par le Financial Times : les tarifs prohibitifs ne participent pas forcément d’une volonté de sélection par l’argent, ils servent avant tout de motivateur pour l’adhérent. En effet, selon le vieux principe économique du « sunk cost », l’adhérent se sent obligé d’aller à la salle de sport, pour ne pas perdre le prix du trimestre qu’il a payé fort cher. Il se motive ainsi par l’autoflagellation.
J’y ajoute une autre dimension, connexe : l’alibi. Les horaires et l’organisation font que je dois être présent à la salle à 19 heures. Ma cotisation me permets de matérialiser un besoin de quitter le bureau. Ainsi plusieurs fois par semaine, j’ai une parfaite excuse pour quitter le travail à 18heures 30. Sans la gym, je pourrais y rester jusqu’à… il n’y a pas vraiment d’heure fixée.
Quelle population ?
Qui rencontre-t-on dans un club de gym ? Première constatation: l’instinct grégaire fait que hommes et femmes se parquent dans deux coins distincts et incompatibles. D’un côté, les hommes tirent de la fonte dans le coin musculation, tandis que les filles gigotent sur le parquet de la salle de fitness. La séparation est assez marquée, difficile à enfreindre. Celui qui s’essaie néanmoins au cours de fitness comprend vite en quoi les femmes sont bien plus endurantes que les hommes (il faut bien ça pour survivre à un acouchement). Remarquez que le prof n’est pas du tout barraqué comme les aficionados de la gonflette.
En parlant d’eux, une catégorie rassemble certains adhérents des deux sexes : ceux pour qui « fitness » est plus qu’un mot, un idéal durement atteint. Vous me ferez remarquer qu’on n’atteint jamais un idéal, et c’est justement tout l’intérêt de ces tordus. Ils sont effrayants d’une part par leur forme qui, comparée à la notre, fait croire qu’ils ONT atteint leur idéal, et d’autre part par leur ascétisme sportif qui tend à l’intégrisme. A ce propos, Slate.com fait judicieusement remarquer que la fréquentation des salles de musculation était l’un des seuls point commun entre les terroristes de New York, Madrid et Londres… (http://www.slate.com/id/2142772/).
Heureusement, le commun des mortels fréquente aussi les salles de sport. La carrure moyenne des garçons, la culotte de cheval des filles font que le débutant partage son sens du ridicule. Leur arrivée ici nous amène à la question suivante :
Pourquoi une salle de sport ?
Dans la société moderne, la plupart des jeunes font des études. Leur parcours sportif et physique se résume donc ainsi :
Au collège et au lycée, le corps se développe, l’adolescent est chaque année plus fort, plus rapide, plus agile. Il le perçoit aisément et avec satisfaction puisque le collège et le lycée lui imposent de faire du sport.
Le corps commence à vieillir à l’âge de vingt ans. Quel dommage ! Justement à cet âge, le jeune est à la fac, environnement particulièrement déresponsabilisant qui substitue à l’obligation de sport un fort encouragement à la consommation de bière (fossoyeuse des abdos) et au manque de sommeil.
Résultat des courses : passés 25 ans, le jeune adulte prends plus ou moins conscience « qu’il n’a plus vingt ans ». L’âge guette, et le vieillissement, maladie honteuse des temps modernes, n’est pas loin ! Le recours à un centre de « remise en forme » amène la dernière question.
Reste le plus grand mystère des salles de sport :
“Pourquoi, grands dieux, courir bêtement sur un tapis roulant caoutchouté alors que la nature nous offre de belles balades, surtout quand il fait beau ?”
La réponse m’est venue par éléments, avant de me sauter littéralement au visage.
En plein hiver, une grande chaîne de fitness étalait ses publicités sur les murs du métro parisien. Sur les silhouettes bicolores (pompées à la pub de l’ipod), les slogans s’adressaient directement à la cible des cadres stressés en empruntant à Guy Debord sont goût du chiasme : « enchaîner les réunions / déchaîner ses pulsions », mais aussi et surtout : « courir après le temps / prendre le temps de courir ».
Le déclic eut lieu au cinéma : une publicité nous montrait en gros plan de belles gambettes courant sur place. Ces guibolles de trois mètres de haut, hypnotiques, me permirent de comprendre le principe fondamental du tapis roulant, et partant, toute la simplicité et le génie automanipulateur de la salle de sport : l’idée est précisément de courir SANS bouger.
Car courir sans avancer, c’est vivre sans mourir.

1 comment:

Anonymous said...

Alors la, il m'en bouche un coin mon frere.
La conclusion est des plus inattendue et percutante.